Réflexion d’Allison Hudson,

récipiendaire de la bourse Frances E. Russell 2021 sur le voyage de recherche qui ont amené les écrits de Lucie Maud Montgomery à prendre vie.

Par Allison Hudson

Lorsque j’ai commencé mon doctorat portant sur les romans de Lucy Maud Montgomery en 2019, j’ai vite compris qu’une partie importante du processus serait un voyage à la Bibliothèque, archives et collections spéciales McLaughlin de l’université de Guelph. Cette impressionnante collection comprend les carnets d’écriture, les albums de découpures et les livres de la bibliothèque personnelle de Montgomery; en d’autres mots, on y retrouve un éclairage précieux sur la vie et le travail de l’une des auteures jeunesse les plus prisées du Canada et du monde. La bourse Frances E. Russell de IBBY Canada m’a permis les ressources nécessaires pour effectuer ce voyage en octobre 2021.

L.M. Montgomery (1874-1942) est bien sûr la créatrice de Anne of Green Gables (1908) (en français, Anne aux Pignons verts), de même que 19 autres romans, des centaines de poèmes et de nouvelles, en plus d’une exhaustive collection de ses écrits réalisés tout au long de sa vie. J’ai le grand plaisir d’étudier le rôle des objets dans ses romans, en particulier dans la trilogie d’Émilie (1923-1927). Cette série semi-autobiographique est clairement inspirée de sa vie à l’Île du Prince-Édouard comme enfant et adolescente et de celle d’établir une carrière d’auteure malgré tous les obstacles que cela apporte. Ce grand plongeon de deux jours dans le matériel réuni à l’université de Guelph était exactement ce que j’avais besoin pour mieux comprendre les liens entre la vie de Montgomery et celle de ces personnages fictifs.

L’étude des objets dans la fiction m’ont faire prendre conscience de la valeur des objets dans la ‘’vraie vie’’; la valeur émotive, relationnelle et même spirituelle des choses. Les objets qui apparaissent dans les romans de Montgomery ont souvent un pendant dans la vraie vie, qui donnent un sens profond de portée et de signifiance, par exemple, les carnets vierges dans lesquels Émilie pratiquait ses compétences rédactionnelles sont clairement inspirés et comportent souvent des citations des carnets de Montgomery. La vraie vie inspire la fiction et la préservation d’objets tels que ces carnets permettent un lien riche entre le passé et le présent, l’auteur et le lecteur, la fiction et la réalité.

J’ai commencé mes recherches aux archives avec le premier volume des carnets de Montgomery qu’elle avait méticuleusement recopiés dans de grands registres recouverts de cuir. J’ai lu ces mêmes mots dans le Selected Journals of L. M. Montgomery (publié par Mary Rubio et Elizabeth Waterston), mais pas dans ceux écrits à la main par Montgomery, avec ses propres photos qui illuminaient souvent le texte.

J’ai vécu un grand sens de connectivité, sachant que Montgomery voulait que ses mots soient lus un jour (malgré la phrase ‘’Je vais garder ce livre sous clé!’’ apparaissant sur la première page), comme si le temps avait perdu le pouvoir de séparer l’auteur de toutes ces générations de lecteurs. À travers ses carnets, j’ai trouvé plusieurs exemples d’inspiration pour ses romans, telles que la description de ses géraniums incluant ‘’ la mère de tous, un géranium rouge matriarcal appelé Bonny! Se souvient-on d’Anne qui appelait Bonny, les géraniums de Marilla aux Pignons verts?

Les fascinants cahiers de découpures de Montgomery contiennent toutes sortes d’articles éphémères: de photos de personnes et d’endroits à des morceaux de tissus, des découpures de journaux, invitations de mariage, fleurs séchées pressées, cartes postales, billets de train, une boucle de cheveux, une note écrite sur une écorce de bouleau, tous ces items nous donnent un aperçu de la vie de Montgomery mais aussi de l’histoire sociale du temps.

Pouvoir étudier les volumineux cahiers de découpures, carnets et livres que Montgomery gardait, lisait, écrivait et chérissait m’a permis d’établir un lien vital avec l’auteur en tant que source d’inspiration et d’information pour ma thèse de doctorat et pour d’autres projets futurs.

En planifiant ce voyage, je me suis assurée de pouvoir aussi assister à la mini-conférence d’un jour connue sous le nom de Jour LLM à Leaksdale en Ontario où Montgomery a habité de 1911 à 1926 et où elle a écrit plusieurs de ses romans. Cette conférence tenue dans l’église où son mari était ministre du culte, a débuté avec trois excellentes présentations et incluait une visite du presbytère magnifiquement restauré, le tout grâce au dur labeur de la société L.M. Montgomery d’Ontario. Pouvoir se tenir sur les mêmes planchers, marcher à travers les mêmes portes, regarder par les mêmes fenêtres que son auteure préférée est une expérience vraiment spéciale, rendant sa vie et son écriture encore plus vraie. Cette expérience a été surpassée par le spectacle Maud of Leaskdale. Cette pièce de théâtre, écrite par Conrad Boyce et jouée par Jennifer Carroll, est une compilation artistique de notes des carnets de Montgomery alors qu’elle habitait Leaksdale pour créer un portrait puissant de la joie, la peine, l’humour et le désarroi de l’auteure dans l’endroit même où elle a vécu toutes ces émotions. Avec ses petits-enfants et ses arrières petits-enfants dans la même pièce, le temps semblait se contracter entre le siècle passé de sa vie à Leaksdale et le présent, jusqu’à presque disparaitre. Ce fut la conclusion parfaite à ce riche et mémorable périple.

The Manse, Leaskdale / Le presbytère de Leaskdale
The Manse, Leaskdale
St. Paul’s Presbyterian Church, Leaskdale
St. Paul’s Presbyterian Church, Leaskdale / L’église presbytérienne St. Paul, Leaskdale

Photographies de Allison Hudson; les archives photographiques partagées avec la permission de la Bibliothèque, archives et collection spéciales McLaughlin de l’université de Guelph

Traduction : Hélène Duguay

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