Reflets sur la lecture et sur des portraits de l’incapacité
Amy Mathers, Fondartrice, Amy Mathers Teen Book Award
Lors des années 1980, il n’y avait pas de consoles de jeu vidéo dans les chambres d’hôpital. C’était à soi de s’amuser seul – à moins qu’on n’eût pas la chance d’être dans un hôpital pour enfants. La maladie chronique et/ou l’incapacité ont tendance à faire isoler, car on est retiré de l’école pour des rendez-vous chez le médecin, des traitements, et des séjours à l’hôpital. La séparation de ses pairs est difficile, ainsi que la vide dans son expérience de vie. Le monde continue autour de soi, mais on se sent coincé dans une sorte de purgatoire.
Trouver le réconfort dans les livres m’a aidé à survivre une vie de maladie chronique, de maladie mettant en danger, d’incapacité, et de deux greffes d’organes. La lecture, pour moi, est une expérience transcendante – les livres me permettent de faire ce que mon corps refuse. Les écrivains habiles donnent à leurs histoires un aspect physique qui est plus immersif qu’aucun jeu de réalité virtuelle. Bien sûr, de ce que je lis dans des livres de science-fiction, ça ne sera pas peut-être toujours le cas, mais pour le moment c’est la vérité.
Cependant, dans la lecture il ne s’agit pas seulement de la vie vicariante des corps limités. Je me souviens de maintes fois quand ma mère a parvenu à me calmer ou à me distraire lors d’une situation désagréable en me lisant une histoire. Écouter sa voix et m’immerger dans un conte permettait à mon corps de se détendre et à mon attention de dériver dans un lieu distant.
À mesure que le temps écoulait et que j’ai appris à lire moi-même, les livres sont également devenus une fuite de la douleur ou de la fatigue. Quand mon corps se crispe ou que je suis anxieuse, la lecture m’aide à calmer mon cerveau et à me refocaliser. C’est aussi du divertissement facile – pas besoin de fil à connecter, ni de Bluetooth, ni même d’écran (pour la plupart). Seulement moi et l’écrit.
Dans la lecture il s’agit aussi de faire des connexions. Christina Minaki, l’auteure de Burning the Boats (2018), m’a téléphoné en mai pour me poser la question : qu’est-ce qui manquait dans la littérature jeunesse quand j’étais jeune? J’ai dû considérer sa question pendant longtemps, mais j’ai finalement trouvé la réponse. Quand j’étais jeune, les livres qui traitaient des enfants souffrant de maladie chronique se terminaient presque toujours en la mort. Quand je n’étais pas handicapée et que je lisais des livres de Jean Little qui me donnaient une fenêtre dans le monde de l’incapacité, je me sentais parfois agacée. Même chose avec les livres de Lurlene McDaniel – je les lisais en cherchant désespérément des points communs, mais il me semblait qu’il s’agit plutôt de la tragédie, de l’injustice d’une vie coupée à court.
Est-ce que les livres sont en voie d’amélioration dans leur portrait des maladies chroniques ou dangereuses et/ou les handicaps? Lentement. On fait beaucoup d’attention aux livres diverses écrit par des auteurs diverses, et strictement ça comprend des personnages et des écrivains ou des illustrateurs qui ont affaire à la maladie ou à l’incapacité, mais ce type de diversité est souvent éclipsé par l’équité des groupes raciales ou de la communauté LGBTQIA2. Les livres qui mettent en vedette des personnages ayant des handicaps, comme Wonder de R.J. Palacio, mettent l’accent sur comment le personnage est courageux et inspirant, même angélique, et si fort parce qu’ils endurent une existence que les autres trouvent intolérable.
Celle-ci est un message horrible.
Tout comme Harry Potter, les enfants qui auparavant souffraient des maladies dangereuses ou même terminale sont devenus les enfants qui vivent. La science a évolué à un tel point que nous vivons avec une maladie chronique plutôt que de se faire couper la vie à court. Bien que la série Harry Potter de J.K. Rowling ne traite pas de la maladie ou de l’incapacité dans un sens conventionnel, il s’agit de se lever après que le pire s’est passé, et de vivre sa vie bien que le méchant pourrait revenir à tout moment (Lord Voldemort dans le cas de Harry Potter, la défaillance d’organe dans le mien).
J’ai éventuellement appris que je pouvais trouver ce que je vivais dans des livres, pourvu que ce fût métaphorique. Ainsi je suis entraînée vers la fiction dystopique – les histoires où la vie du personnage principal tombe en morceaux (parfois littéralement) et il doit les ramasser. Un de mes préférés est Katniss Everdeen dans la série Hunger Games de Suzanne Collins. Comment est-ce qu’on survit psychologiquement quand sa vie dépend de la mort des autres? C’est une métaphore plus apte à la greffe d’organe qu’on en pense.
C’est une expérience rare et excitante quand un personnage dans un livre que je lis ait un handicap physique et brise le moule; une expérience qu’on trouve normalement autre part que dans des romans contemporains. J’ai été ravie quand j’ai lu Feeder de Patrick Weekes, parce qu’il met en vedette un groupe de personnages ayant des habilités diverses qui se réunissent pour se battre contre des monstres.
Pendant que j’attends des portraits de maladie plus réaliste que The Fault In Our Stars de John Green, je me console avec Burning the Boats de Christina Minaki et The Theory of Hummingbirds de Michelle Karadusman. Tous les deux me donnent de l’espoir pour un avenir où il y aura plus d’auteurs de littérature jeunesse qui ont de l’expérience de la maladie et de l’incapacité et qui veulent raconter une histoire captivante et pas trop sentimentalisée.
—
En 2014, inspirée des voyages canadiens de Terry Fox et de Rick Hansen, Amy Mathers s’est décidée d‘honorer sa passion de la lecture et de la littérature canadienne pour adolescents, tout en vivant ses limitations physiques, en entamant un Marathon de livres.
Amy a lu un livre pour chaque jour de 2014 et a levé des fonds pour fonder le Prix de littérature ados Amy Mathers. Le Prix honore l’excellence dans la fiction pour adolescents et jeunes adultes, administré par le Centre canadien du livre jeunesse.
Reflets sur la lecture et sur des portraits de l’incapacité
Amy Mathers, Fondartrice, Amy Mathers Teen Book Award
Lors des années 1980, il n’y avait pas de consoles de jeu vidéo dans les chambres d’hôpital. C’était à soi de s’amuser seul – à moins qu’on n’eût pas la chance d’être dans un hôpital pour enfants. La maladie chronique et/ou l’incapacité ont tendance à faire isoler, car on est retiré de l’école pour des rendez-vous chez le médecin, des traitements, et des séjours à l’hôpital. La séparation de ses pairs est difficile, ainsi que la vide dans son expérience de vie. Le monde continue autour de soi, mais on se sent coincé dans une sorte de purgatoire.
Trouver le réconfort dans les livres m’a aidé à survivre une vie de maladie chronique, de maladie mettant en danger, d’incapacité, et de deux greffes d’organes. La lecture, pour moi, est une expérience transcendante – les livres me permettent de faire ce que mon corps refuse. Les écrivains habiles donnent à leurs histoires un aspect physique qui est plus immersif qu’aucun jeu de réalité virtuelle. Bien sûr, de ce que je lis dans des livres de science-fiction, ça ne sera pas peut-être toujours le cas, mais pour le moment c’est la vérité.
Cependant, dans la lecture il ne s’agit pas seulement de la vie vicariante des corps limités. Je me souviens de maintes fois quand ma mère a parvenu à me calmer ou à me distraire lors d’une situation désagréable en me lisant une histoire. Écouter sa voix et m’immerger dans un conte permettait à mon corps de se détendre et à mon attention de dériver dans un lieu distant.
À mesure que le temps écoulait et que j’ai appris à lire moi-même, les livres sont également devenus une fuite de la douleur ou de la fatigue. Quand mon corps se crispe ou que je suis anxieuse, la lecture m’aide à calmer mon cerveau et à me refocaliser. C’est aussi du divertissement facile – pas besoin de fil à connecter, ni de Bluetooth, ni même d’écran (pour la plupart). Seulement moi et l’écrit.
Dans la lecture il s’agit aussi de faire des connexions. Christina Minaki, l’auteure de Burning the Boats (2018), m’a téléphoné en mai pour me poser la question : qu’est-ce qui manquait dans la littérature jeunesse quand j’étais jeune? J’ai dû considérer sa question pendant longtemps, mais j’ai finalement trouvé la réponse. Quand j’étais jeune, les livres qui traitaient des enfants souffrant de maladie chronique se terminaient presque toujours en la mort. Quand je n’étais pas handicapée et que je lisais des livres de Jean Little qui me donnaient une fenêtre dans le monde de l’incapacité, je me sentais parfois agacée. Même chose avec les livres de Lurlene McDaniel – je les lisais en cherchant désespérément des points communs, mais il me semblait qu’il s’agit plutôt de la tragédie, de l’injustice d’une vie coupée à court.
Est-ce que les livres sont en voie d’amélioration dans leur portrait des maladies chroniques ou dangereuses et/ou les handicaps? Lentement. On fait beaucoup d’attention aux livres diverses écrit par des auteurs diverses, et strictement ça comprend des personnages et des écrivains ou des illustrateurs qui ont affaire à la maladie ou à l’incapacité, mais ce type de diversité est souvent éclipsé par l’équité des groupes raciales ou de la communauté LGBTQIA2. Les livres qui mettent en vedette des personnages ayant des handicaps, comme Wonder de R.J. Palacio, mettent l’accent sur comment le personnage est courageux et inspirant, même angélique, et si fort parce qu’ils endurent une existence que les autres trouvent intolérable.
Celle-ci est un message horrible.
Tout comme Harry Potter, les enfants qui auparavant souffraient des maladies dangereuses ou même terminale sont devenus les enfants qui vivent. La science a évolué à un tel point que nous vivons avec une maladie chronique plutôt que de se faire couper la vie à court. Bien que la série Harry Potter de J.K. Rowling ne traite pas de la maladie ou de l’incapacité dans un sens conventionnel, il s’agit de se lever après que le pire s’est passé, et de vivre sa vie bien que le méchant pourrait revenir à tout moment (Lord Voldemort dans le cas de Harry Potter, la défaillance d’organe dans le mien).
J’ai éventuellement appris que je pouvais trouver ce que je vivais dans des livres, pourvu que ce fût métaphorique. Ainsi je suis entraînée vers la fiction dystopique – les histoires où la vie du personnage principal tombe en morceaux (parfois littéralement) et il doit les ramasser. Un de mes préférés est Katniss Everdeen dans la série Hunger Games de Suzanne Collins. Comment est-ce qu’on survit psychologiquement quand sa vie dépend de la mort des autres? C’est une métaphore plus apte à la greffe d’organe qu’on en pense.
C’est une expérience rare et excitante quand un personnage dans un livre que je lis ait un handicap physique et brise le moule; une expérience qu’on trouve normalement autre part que dans des romans contemporains. J’ai été ravie quand j’ai lu Feeder de Patrick Weekes, parce qu’il met en vedette un groupe de personnages ayant des habilités diverses qui se réunissent pour se battre contre des monstres.
Pendant que j’attends des portraits de maladie plus réaliste que The Fault In Our Stars de John Green, je me console avec Burning the Boats de Christina Minaki et The Theory of Hummingbirds de Michelle Karadusman. Tous les deux me donnent de l’espoir pour un avenir où il y aura plus d’auteurs de littérature jeunesse qui ont de l’expérience de la maladie et de l’incapacité et qui veulent raconter une histoire captivante et pas trop sentimentalisée.
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En 2014, inspirée des voyages canadiens de Terry Fox et de Rick Hansen, Amy Mathers s’est décidée d‘honorer sa passion de la lecture et de la littérature canadienne pour adolescents, tout en vivant ses limitations physiques, en entamant un Marathon de livres.
Amy a lu un livre pour chaque jour de 2014 et a levé des fonds pour fonder le Prix de littérature ados Amy Mathers. Le Prix honore l’excellence dans la fiction pour adolescents et jeunes adultes, administré par le Centre canadien du livre jeunesse.
Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter le site : http://bookcentre.ca/programs/awards/amy-mathers-teen-book-award
– Traduction : Todd Kyle
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