Dans cette édition spéciale du bulletin d’informations, nous zigzaguons d’un bout à l’autre du Canada pour souligner le lancement du projet d’IBBY Canada D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones.
De livres tout carton aux albums destinés aux lecteurs plus âgés, D’un océan à l’autre à l’autre est un catalogue qui présente les 100 meilleurs livres illustrés créés au cours des 25 dernières années par des auteurs autochtones. Le catalogue complet est disponible ici.
Les titres D’un océan à l’autre à l’autre reflètent la diversité des cultures, des langues, des perspectives et des expériences des Premières Nations, des Métis et des Inuits. En voici quelques exemples : The Thundermaker d’Alan Syliboy (Mi’kmaq), Hello Humpback! de Roy Henry Vickers (Tsimshian / Haida / Heiltsuk), Rock & Roll Highway: The Robbie Robertson Story de Sebastian Robertson (Mohawk / Cayuga), Fiddle Dancer de Wilfred Burton (Métis), Akilak’s Adventure de Deborah Kigjugalik Webster (Inuit) et Just a Walk de Jordan Wheeler (Cri).
En 2016, IBBY Canada a amorcé la création D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones, en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, une composante de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, et ce, tout en respectant la mission d’IBBY de défendre le droit de chaque enfant de devenir un lecteur grâce à l’accès à des livres de grande qualité.
Certains livres explorent l’impact des pensionnats indiens tels que La pirogue de Shin-chi de Nicola I. Campbell, Quand on était seuls de David A. Robertson et Je ne suis pas un numéro de Jenny Kay Dupuis et Kathy Kacer.
Il y a aussi quelques oeuvres plus anciennes qui sont actuellement en impression: A Coyote Columbus Story de Thomas King (Groundwood Books, 1992), Arctic Stories de Michael Arvaarluk Kusugak (Annick Press, 1998) et What’s the Most Beautiful Thing You Know About Horses? de Richard Van Camp (Children’s Book Press, 1998.).
Dans ce bulletin, nous vous invitons à lire des articles sur la création de certains des excellents livres de la collection, notamment quatre auteurs: Nicola I. Campbell, Jenny Kay Dupuis, Penny M. Thomas et Aviaq Thompson. De plus, venez rencontrer le comité de sélection et vous informer sur leur processus et de leurs réflexions sur la collection. La plupart de leurs livres incontournables ont été écrits par les auteurs mentionnés ci-dessus.
Quel merveilleux cadeau d’entendre ces histoires personnelles. Merci beaucoup à tous ceux et celles qui ont contribué à ce bulletin et qui ont été si généreux de leur temps.
D’un océan à l’autre à l’autre : célébrer les albums autochtones a été élaboré sous la présidence de Dr. Jenny Kay Dupuis, auteure et éducatrice (Première nation de Nipissing) et de Mary Beth Leatherdale, Présidente d’IBBY-Canada.
Le Comité de sélection comprenait :
• Patricia Knockwood (Première nation de Fort Folly), Bibliothécaire des services autochtones du Nouveau-Brunswick et membre de la Comité des affaires autochtones de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques
• Joanne Schwartz, auteure primée et bibliothécaire jeunesse à la Bibliothèque publique de Toronto
• Allison Taylor-McBryde, Professeure ajointe à l’Université de la Colombie-Britannique et bibliothécaire jeunesse à la Bibliothèque publique du District de North Vancouver
Le Comité de sélection a commencé son travail en décembre 2017. Lors des 10 prochains mois, le Comité a entamé un processus collaboratif incluant plusieurs appels conférenciers. Le processus tirait parti de leurs expériences personnels avec les albums autochtones et de leurs objectifs partagés visant l’authenticité, la diversité, et la représentation et l’usage des langues autochtones, mettant au point un objectif final de promouvoir la lecture et le partage de livres écrits par des auteurs autochtones parmi des enfants et des jeunes autochtones et non-autochtones ainsi que leurs familles, des bibliothécaires et des éducateurs.
Chaque membre du Comité de sélection a apporté au processus leurs propres listes, totalisant des centaines de livres. Elles ont ensuite parlé, partagé, lu, relu, et appris, trouvant de nouvelles découvertes et de nouveaux perspectifs en cours de route.
La collection finale comprend 81 artistes autochtones, 31 maisons d’édition, et 15 langues. Le livre le plus vieux dans la collection a été publié en 1984 – I Can’t Have Bannock But the Beaver Has a Dam de Bernelda Wheeler (HighWater Press) – et les plus récents datent de 2017.
D’un océan à l’autre à l’autre : célébrer les albums autochtones pourrait servir comme point de départ pour certains lecteurs, et une source d’inspiration pour d’autres. Comme dit Allison Taylor-McBride, membre du Comité de sélection, « La collection démontre la puissance des œuvres courants. J’espère que ça donne de l’encouragement aux gens d’élargir leurs listes – et leur lecture. Il existe une richesse d’œuvres disponibles à continuer à découvrir… »
L’artiste de la page couverture: Julie Flett
par Emma Sakamoto
Une fille autochtone est allongée sur le ventre dans l’herbe, en train de lire un livre. C’est le sujet de l’image que Julie Flett, illustratrice primée Cri-Métis, a créée pour la page couverture de la sélection D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones. À propos de cette oeuvre, Flett a déclaré: «Je pense à cette fille de la même manière que je le fais pour tous les membres de notre communauté qui lisent nos auteurs, se sentent connectés et représentés. Cela procure un sentiment de paix, un soulagement, un sentiment d’être chez soi. ”
Mary Beth Leatherdale, coprésidente du comité de sélection, a déclaré que l’une des raisons qui les a attirés vers l’art de Flett est qu’elle est consciente que son auditoire est composé de lecteurs autochtones et non autochtones et qu’elle désire «mettre au premier plan les modes de connaissance autochtones».
«Nous pouvons voir que des changements se produisent», dit Flett, «lorsque nous pouvons apprécier la langue, l’histoire et l’art des uns et des autres».
Cette idée est particulièrement pertinente pour la collection d’albums autochtones, car le comité espère que cela «favorisera le rapprochement entre les cultures pour les jeunes enfants et les jeunes, leurs familles, les bibliothécaires et les éducateurs».
Andrew Wooldridge, éditeur d’Orca Books, affirme que Flett est l’une des illustratrices en littérature jeunesse canadienne qui réussit le mieux à créer ce rapprochement. Il décrit Little You, écrit par Richard Van Camp, et My Heart Fills with Happiness, écrit par Monique Gray Smith, comme «des livres autochtones, mais ayant un attrait beaucoup plus large». Little You, dit Wooldridge, «est un livre sur la réconciliation sans jamais le mentionner.» Ce joyeux livre tout carton nous montre la réconciliation sous un angle positif. Wooldridge se souvient que Van Camp et Smith avaient tous deux demandé à travailler spécifiquement avec Flett.
Annalee Greenberg, directrice de la rédaction de High Water Press, se souvient d’une expérience similaire lors de discussions au sujet d’illustrateurs possibles pour Quand on était seuls, écrit par David A. Robertson. Lorsque Greenberg a rencontré Robertson pour la première fois, ainsi que l’éditrice Catherine Gerbasi, Flett a été le choix numéro un à l’unanimité.
Dans cet album, gagnant du Prix du Gouverneur général dans la catégorie livres illustrés, une grand-mère raconte à sa petite-fille son enfance dans un pensionnat. «Le livre innovait en ce sens qu’il abordait un sujet très controversé pour les jeunes lecteurs”, explique Greenberg. Dans leur processus de création, Flett et Robertson communiquaient via Skype. «Parler de cette histoire très difficile d’une manière compréhensible pour les jeunes enfants était un défi. Il était donc important que David et Julie partagent leur vision pour que cela fonctionne. Ce processus collaboratif a duré pendant toute la création de l’oeuvre – du manuscrit au résultat final – avec Julie, David et moi-même. Et Julie vient de le recevoir.»
Leatherdale déclare à propos de la page couverture de la sélection D’un océan à l’autre à l’autre : «Comme tout le travail de Julie, elle est sans prétention – pas de titre ni d’importance personnelle. Ses œuvres célèbrent magnifiquement, doucement et de manière mémorable, ce qui est au cœur de ce projet: les lecteurs. Quel cadeau merveilleux! Je ne peux pas imaginer une meilleure façon de rendre hommage aux auteurs, illustrateurs et traducteurs autochtones dont les travaux figurent dans la collection.»
Inspirants: les livres de Nicola I. Campbell (Nłeʔkepmx, Syílx et Métis)
Que Nicola Campbell écrive d’une perspective historique ou contemporaine, elle voit à travers les yeux d’un enfant et parle droit au cœur de l’enfant, en visant les émotions et les liens entre les gens.
Allison Taylor-McBryde
Membre du comité de sélection, D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones
Professeur adjoint à l’université de Colombie-Britannique
et bibliothécaire pour enfants à la bibliothèque publique North Vancouver District
Pour Nicola I. Campbell (Nłeʔkepmx, Syílx et Métis), les albums pour enfants permettent ‘’d’enseigner et de raconter la vérité avec une force qui honore la culture, la famille, la terre et la langue. Dans les livres pour enfants des premières nations, nous avons la chance de voir des personnages vraiment inspirants.’’
Enfant, Nicola lisait beaucoup et voulait devenir écrivaine même si elle éprouvait certaines difficultés dans les cours de littérature anglaise. Alors que Nicola a à peine neuf ans, elle est particulièrement inspirée par les livres d’auteurs issus des Premières Nations, en particulier par les magnifiques albums de sa tante Maria Campbell, Little Badger and the Fire Spirit (Petit blaireau et l’esprit de feu). À ce moment, Nicola aurait dit à ses collègues de classe qu’un jour, elle deviendrait auteur.
Elle l’est devenu.
Nicola I. Campbell a publié quatre livres qui se retrouvent dans D’un océan à l’autre à l’autre: Shi-shi-etko, illustré par Kim LaFave; Shin-chi’s Canoe (La pirogue de Shin-chi), illustré par Kim LaFave; Grandpa’s Girls (les filles de Grand-papa), illustré par Kim LaFave, 2011; and A Day with Yayah (Un jour avec Yahyah), illustré par Julie Flett.
Shi-shi-etko (Éditions des Plaines, 2010)
La pirogue de Shin-chi (Éditions des Plaines, 2010)
Selon le comité de sélection, Shi-shi-etko et La pirogue de Shin-chi sont deux livres qui expriment de douce façon les traumatismes des écoles résidentielles et la beauté du monde que les enfants ont dû laisser derrière eux.
Nicola décrit comment Shi-shi-etko est né lors d’un cours d’écriture créative pour enfants à l’université de la Colombie-Britannique, et comment ses premières années d’études post-secondaires en ont influencées l’écriture. Loin de son foyer et de sa communauté, elle a pu expérimenter le choc des cultures alors qu’elle commençait ses études universitaires sur le campus.
Au même moment, elle prenait conscience de l’histoire des politiques canadiennes sur les écoles résidentielles du Canada, leurs structures et leurs portées. Elle a pu ainsi mieux comprendre l’impact de cette situation sur sa famille et sa communauté.
“ J’ai grandi avec des histoires de familles au sujet des écoles résidentielles pour amérindiens puisque deux générations de ma famille ont été forcé d’y vivre. Je n’ai appris ou compris l’impact profond de ces politiques que lorsque j’ai débuté mes études post-secondaires, quand j’ai pris des cours à NVIT et à UBC. Il a été déchirant de lire des citations telles que ‘’tuer l’indien à travers l’enfant’’ écrites dans les politiques canadiennes, et de réaliser tout l’impact que ces politiques de génocides ont eu partout au Canada, particulièrement lorsque l’on sait que chacune de ces écoles avait un cimetière dédié à ses étudiants indigènes.
Je me souviens en train d’imaginer ce que nos ainés, et tous ceux qui avaient été laissés derrière, ont pu ressentir lorsque tous les enfants avaient été ramassés. Combien ils ont dû se sentir apeurés et sans pouvoir. Deux générations d’enfants ont été enlevés dans ma propre famille. J’ai pleuré tout au long de l’écriture de La pirogue de Shin-chi. Je suis vraiment reconnaissante de la sensibilité qu’a eu Kim LaFave en préparant les illustrations de ces albums, tout au long du processus, allant jusqu’à présenter notre ébauche à un congrès pour les survivants des écoles résidentielles à Vancouver en Colombie-Britannique.
En tant qu’enfants dans les écoles résidentielles pour amérindiens, nos ainés ont réussi à continuer à se développer dans un environnement incroyablement dur, sans amour. Malgré la violence, l’abus, le froid et le chagrin qu’ils ont vécu, ils ont persévéré.’’ C’est cette force qui est reflétée à la fois dans Shi-shi-etko et dans La pirogue de Shin-chi.
Nicola nous décrit les quelques éléments qui ont pu ancrer Shi-shi-etko:
“Je savais que les noms des personnages devaient être amérindiens et qu’ils honoreraient son indigenéité. Ce fut un long processus que de nommer Shi-shi-etko, celle qui adore jouer dans l’eau. J’ai rêvé de ce nom, j’ai téléphoné à ma grand-mère et j’ai visité les ainés de ma communauté. Ce processus d’honorer nos protocoles a été suivi jusqu’à la version finale. Pour moi, il était important d’avoir l’approbation de mes ainés tout au long de ce projet.
Ensuite, il était aussi important que les noms changent à l’arrivée à l’école résidentielle. Les noms bibliques David, Marie et Jean ont été portés par mon grand-père et deux de ces onze frères et sœurs. “
Je savais aussi qu’il y aurait un décompte avant le premier jour d’école parce que mes ainés avaient partagés ce souvenir, et que je l’avais aussi fait comme enfant. Shi-shi-etko…“Un, deux, trois, quatre matins avant d’aller à l’école, “ dit Shi-shi-etko…Ce temps laissé pour qu’on puisse se rappeler tout ce qui donne de la force avant de partir de la maison.
Il est d’importance capitale dans tout mon travail de trouver des façons créatives de donner des racines à mes contes et à mes personnages à travers leurs terres et leurs indigénéités.
Plusieurs récits proviennent d’expériences et d’écrits relatés par les conteurs indigènes, ceux-ci partagent des vérités empreintes de désespoir, de marginalisation et de déresponsabilisation vécus à travers l’histoire de la colonisation, particulièrement dans le cas des contes écrits pour les lecteurs plus âgés.
Je crois qu’une grande part de ma responsabilité en tant que conteur indigène, est aussi de partager les prochains chapitres qui montrent comment nous et nos communautés pouvons collectivement nous relever afin de guérir de cet épouvantable chagrin et désespoir que nous avons subi. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut juste mettre de côté. Le concept de vérité et réconciliation est un véritable périple pour le Canada parce qu’encore aujourd’hui, trop de personnes au pays nient encore cette réalité. À travers ces contes, mon but est de pouvoir ouvrir l’esprit et les cœurs des enfants à ces vérités, parce que ce sont nos enfants qui nous amènent chaque jour, la guérison et la joie.
Nicola I. Campbell
Grandpa’s Girls (Les filles de Grand-papa)
Les enfants demandent à Nicola une suite à Shi-shi-etko et à La pirogue de Shin-shi. Ils se demandent ce qui est arrivé par la suite. Pour Nicola, la suite se trouve en lisant ses livres subséquents, Les filles de Grand-père et Un jour avec Yayah parce que ces Shi-shi-etko et Shin-chi ont grandi et sont devenus nos grand-parents.
Les filles de Grand-père et Un jour avec Yayah, sont écrits comme de la fiction mais sont inspirés des souvenirs de l’enfance de Nicola qui a grandi entourées de ses ainés.
Dans Les filles de Grand-père, dit Nicola, j’ai voulu miser sur un conte contemporain qui démontre le développement de l’autonomie et de la responsabilité chez les enfants par le jeu, le plaisir et le temps passé dans une famille aimante.
Les filles de grand-père est l’histoire d’enfants qui visitent leur cher grand-père. Dans ce récit, nous voyons la vie de grand-père en tant que vétéran, cowboy, éleveur et homme d’affaire en plus de comprendre les profondes racines qui l’ unit à sa famille grâce aux photos sur les murs et les tantes dans la cuisine.
Les filles de Grand-père nous présente aussi Nłeʔkepmxcín, la langue des Nłeʔkepmx (Salish de Thompson River): “nos grandes tantes et nos grands oncles appellent les enfants schmém’?t”.
L’importance de la langue et de la culture est explorée encore plus dans le livre suivant de Nicola’s Un jour avec Yayah.
A Day with Yayah (Un jour avec Yayah)
C’est vraiment qwámqwəmt, un beau jour: Un jour avec Yayah.
Même si les enfants n’apprécient pas manger les champignons, ils aiment passer du temps avec Yayah, leur grand-mère. Dans ce conte, les enfants apprennent de leur grand-mère les vertus des aliments sauvages, des plantes médicinales ainsi que les traditions reliées aux récoltes. Au cours de la journée, leur Yayah leur enseigne aussi leur culture à travers les mots de leur langue.
Ce conte est inspiré du temps que Nicola a passé avec sa tante qui n’est pas allée à l’école résidentielle et qui a conservé l’aisance de sa langue maternelle le Nłeʔkepmxcín, la langue Salish de Thomson River.
Nicola se rappelle d’une enfance remplie de temps passé sur la terre avec ses tantes et les ainés, alors qu’ils récoltaient les aliments traditionnels. L’histoire montre comment ils apprenaient en étant simplement dans ce type d’environnement. ‘’Nous passions notre temps à regarder ce que les adultes faisaient, à essayer de comprendre ce qu’ils disaient, et nous avions toujours plein de questions. Lorsqu’on nous parlait dans notre langue, nous savions que c’était fait avec amour. ‘’
Nicola I. Campbell travaille présentement sur un PhD en Littérature Indigène et Narration à l’ UBC en Okanagan.
Famille, langue et conte: Powwow: Counting in Cree et Nimoshom and His Bus par Penny M. Thomas (Cree-Ojibway)
Penny M. Thomas utilise la langue comme l’axe principal de ses albums illustrés afin de mettre en lumière la culture et l’appartenance autochtone. Ses deux histoires pour enfants s’articulent autour de mots en langue crie qui expriment des concepts importants et des traditions. L’ajout de mots en langue crie crée une expérience enrichissante dans ses histoires douces et chaleureuses.
Joanne Schwartz
Membre du comité de sélection, D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones
Auteure primée et bibliothécaire pour enfants à la Bibliothèque publique de Toronto
En parlant avec Penny M. Thomas à propos de la création de ses deux livres dans la collection : Powwow: Counting in Cree and Nimoshom and His Bus – nous apprenons beaucoup à propos de la famille. Nous apprenons sur l’amour de la famille, sur la langue et sur la communauté ainsi que comment ces albums illustrés combinent tous ces éléments.
Powwow Counting in Cree (HighWater Press, 2013)
Penny raconte comment Powwow: Counting in Cree n’a pas été écrit avec l’objectif de devenir un livre publié. Elle l’a plutôt écrit pour ses enfants et son neveu alors qu’elle essayait de leur apprendre à compter en cri.
Penny a appris le cri en parlant avec sa grand-mère alors qu’elle était une enfant, c’était ‘’leur moment à toutes les deux’’. Penny a continué à apprendre le cri à l’école mais s’est rendue compte que ses habiletés faiblissaient sans pratique constante et sans avoir quelqu’un avec qui parler.
Pour Penny, la préservation de la culture est une clé essentielle à la culture : ‘’Les mots contiennent et transmettent tellement de sens. Il y a des mots en cri qui ne se traduisent pas en anglais: des expressions, des remèdes et des façons de décrire les choses. Il y a tellement de choses qui ne peuvent pas être exprimées sauf en cri.’’
Selon l’auteure, le cadre de Powwow: Counting in Cree donne aux enfants l’occasion d’apprendre les nombres de peyak (un) à mitataht (dix) et de développer une appréciation pour la culture et les rituels du powwow. Chaque scène du livre permet d’explorer les personnes et les éléments du powwow tels que des amis, des enseignements et des bénédictions.
Une scène favorite tirée du livre de Penny est “Enawew, that means eight. Eight men drumming so great.” ‘’Enawew, cela veut dire huit. Huit hommes qui jouent si bien du tambour. ‘’
‘’ C’est une scène très forte.’’ (Regardez les expressions des visages des hommes qui sont tellement bien illustrées.)
Nimoshom and His Bus (HighWater Press, 2017)
Suite au succès de Powwow: Counting in Cree; Highwater Press, l’éditeur de Penny M. Thomas, lui a demandé d’écrire un autre livre pour la jeunesse. Elle voulait écrire une histoire qui permettrait l’enseignement des mots courants. Son mari lui a fait une suggestion.
Nimoshom and His Bus a été inspiré par son grand-père bien- aimé qui conduisait un autobus scolaire. Le livre commence avec cette présentation :
‘’Nimoshom conduisait un autobus scolaire. Parfois il parlait cri. Nimoshom veut dire grand-père en cri. ‘’
Le trajet vers l’école devient un moyen pour que les enfants apprennent treize mots et expressions parmi lesquels : tansi (bonjour), machi kisikaw (c’est une bonne journée), api (assieds-toi), and ekosi (d’accord, c’est assez. Amen), qu’il disait au lieu de aurevoir.
Nimoshom and His Bus montre aux enfants l’amour que ressent leur chauffeur d’autobus et réciproquement.
Le catalogue de D’un océan à l’autre à l’autre fait référence à Nimoshom and His Bus comme ‘’….l’album illustré idéal ‘’ et ‘’ une représentation joyeuse d’une communauté autochtone.’’
Cette joie est contagieuse et le livre est bien accueilli par les enfants. Penny raconte qu’elle a lu Nimoshom and His Bus à un groupe d’enfants provenant d’une communauté très diverse à Winnipeg. Les enfants ont apprécié écouter l’histoire et ils ont substitué les mots en cri dans l’histoire par des langues parlées par leurs propres grands-pères dont le punjabi, l’ukrainien et le français. ‘’C’était une très bonne expérience pour les enfants d’échanger ces mots et de partager l’amour de la famille.’’
La page double favorite de Penny est la dernière du livre – Nimoshom était un homme bon. Ekosi. ‘’L’illustration lui ressemble. C’est très ressemblant.’’
Penny M. Thomas habite dans sa communauté de la Première Nation Peguis au Manitoba avec son mari et leurs cinq enfants- elle travaille en psychologie et en thérapie familiale. Dans le cadre de son travail, Penny utilise le conte et l’approche appelée la thérapie narrative, une méthode qui permet à quelqu’un de modeler sa propre histoire dans une façon positive afin d’aller vers la guérison.
Penny travaille ce moment sur un roman qui va amener le lecteur sur le chemin de la guérison et qui va mettre en vedette Wisakedjak (Whiskeyjack), un héros du folklore cri ; un héros dont elle aurait souhaité entendre les histoires plus souvent lorsqu’elle grandissait.
Penny a également plusieurs autres idées en développement pour des livres d’enfants : ‘’ J’ai tendance à attendre avant d’écrire. Quand je sens que l’histoire est prête et que les idées ont fini de mûrir, je dis à mon mari que je vais me mettre à écrire et je lui dis : Occupe- toi des enfants.’’
Le Positif chez chaque personne : What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) par Aviaq Johnston (Inuk)
Dans What’s My Superpower (Quel est mon super pouvoir?) Aviaq Johnston écrit une histoire magnifique à propos d’une fille qui voit le positif chez tout le monde et qui a un lien très fort avec sa mère.
Patricia Knockwood (Premières Nations de Fort Folly)
Membre du comité de sélection, D’un océan à l’autre à l’autre : célébrer les albums autochtones
Bibliothécaire des Services aux premières nations pour le Nouveau Brunswick
Membre de la Fédération Canadienne des Associations de bibliothèques, comité Affaires Indigènes
Dans la première scène de What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?), l’auteur Aviaq Johnston amène le lecteur dans une petite ville où l’hiver est toujours plus long que l’été, un endroit où Nalvana, la jeune fille de l‘histoire, aimait tout…’’
Pour Aviaq, il était important de présenter un Nunavut contemporain dans son premier livre pour enfant What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) et de partager l’expérience qu’elle a vécu, où les enfants ont la liberté et l’environnement pour jouer dans l’imaginaire en toute sécurité.
‘’Si vous allez dans les petites villes du Nunavut, vous verrez qu’il y a toujours plein d’enfants qui jouent dehors. Les adultes sont toujours présents dans la vie des enfants mais plus en arrière-plan. Comme enfants, on jouait dehors tout le temps… même pendant les périodes de l’année où la nuit dure 24 heures. Il était vraiment important de montrer dans What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) toute la joie et la liberté de grandir dans ces petites communautés’’ dit Aviaq.
What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) a aussi été une chance de parler de certains stéréotypes. Les gens ont des images historiques de la vie dans le Nord qui n’étaient déjà plus adéquates il y a plusieurs générations, nous dit Aviaq.
Après le succès de son livre pour jeunes adultes Those Who Run in the Sky (Ceux qui dirigent le ciel), l’éditeur de Aviaq, Inhabit Media, l’a encouragé à écrire un livre pour enfants. Aviaq a relevé le défi d’écrire dans ce nouveau genre avec incertitude mais l’inspiration est rapidement venue de deux endroits.
La première inspiration fut une vidéo affichée par un ami, qui présentait sa fille portant un chapeau de cowboy et s’envolant avec une cape en disant ‘’ Je suis une super héros mais je ne sais pas quel est mon super pouvoir ! Le second vient de l’enfance d’Aviaq : J’avais l’impression de ne pas être particulièrement douée en quoi que ce soit. Je n’étais pas bonne en sports, et même si j’étais bonne à l’école, plusieurs autres enfants sont bons à l’école. J’ai donc pensé qu’un enfant pourrait être ordinaire et bon et pourrait vouloir rendre les gens heureux. Ce serait un super pouvoir pour un enfant.’’
Pour Aviaq, la réponse à ce livre a été géniale. Lors des lectures dans les écoles et au refuge Qimavvik à Iqualit, elle a trouvé des auditoires d’enfants vraiment fascinés par l’histoire, et enclins à partager leurs propre super pouvoirs, que ce soit de s’envoler, dessiner, embrasser, apprendre…ou lire.
Aviaq Johnston partage son temps entre Iqaluit et Ottawa où elle est tuteur et travaille au support des étudiants au Nunavut Sivuniksavut. Aviaq a écrit un nouveau roman pour jeunes adultes Those Who Dwell Below (Ceux qui habitent en bas) prévu pour 2019. Et pour les fans de What’s My Superpower?, peut-être écrira-t-elle un nouvel album pour enfants.
ISSN 1704-6033
Bienvenue,
Dans cette édition spéciale du bulletin d’informations, nous zigzaguons d’un bout à l’autre du Canada pour souligner le lancement du projet d’IBBY Canada D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones.
De livres tout carton aux albums destinés aux lecteurs plus âgés, D’un océan à l’autre à l’autre est un catalogue qui présente les 100 meilleurs livres illustrés créés au cours des 25 dernières années par des auteurs autochtones. Le catalogue complet est disponible ici.
Les titres D’un océan à l’autre à l’autre reflètent la diversité des cultures, des langues, des perspectives et des expériences des Premières Nations, des Métis et des Inuits. En voici quelques exemples : The Thundermaker d’Alan Syliboy (Mi’kmaq), Hello Humpback! de Roy Henry Vickers (Tsimshian / Haida / Heiltsuk), Rock & Roll Highway: The Robbie Robertson Story de Sebastian Robertson (Mohawk / Cayuga), Fiddle Dancer de Wilfred Burton (Métis), Akilak’s Adventure de Deborah Kigjugalik Webster (Inuit) et Just a Walk de Jordan Wheeler (Cri).
En 2016, IBBY Canada a amorcé la création D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones, en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, une composante de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, et ce, tout en respectant la mission d’IBBY de défendre le droit de chaque enfant de devenir un lecteur grâce à l’accès à des livres de grande qualité.
Certains livres explorent l’impact des pensionnats indiens tels que La pirogue de Shin-chi de Nicola I. Campbell, Quand on était seuls de David A. Robertson et Je ne suis pas un numéro de Jenny Kay Dupuis et Kathy Kacer.
Il y a aussi quelques oeuvres plus anciennes qui sont actuellement en impression: A Coyote Columbus Story de Thomas King (Groundwood Books, 1992), Arctic Stories de Michael Arvaarluk Kusugak (Annick Press, 1998) et What’s the Most Beautiful Thing You Know About Horses? de Richard Van Camp (Children’s Book Press, 1998.).
Dans ce bulletin, nous vous invitons à lire des articles sur la création de certains des excellents livres de la collection, notamment quatre auteurs: Nicola I. Campbell, Jenny Kay Dupuis, Penny M. Thomas et Aviaq Thompson. De plus, venez rencontrer le comité de sélection et vous informer sur leur processus et de leurs réflexions sur la collection. La plupart de leurs livres incontournables ont été écrits par les auteurs mentionnés ci-dessus.
Quel merveilleux cadeau d’entendre ces histoires personnelles. Merci beaucoup à tous ceux et celles qui ont contribué à ce bulletin et qui ont été si généreux de leur temps.
– Patti McIntosh, Éditrice de l’infolettre
Traduction : Danièle Courchesne
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Le Comité de sélection : la création de la Liste
D’un océan à l’autre à l’autre : célébrer les albums autochtones a été élaboré sous la présidence de Dr. Jenny Kay Dupuis, auteure et éducatrice (Première nation de Nipissing) et de Mary Beth Leatherdale, Présidente d’IBBY-Canada.
Le Comité de sélection comprenait :
• Patricia Knockwood (Première nation de Fort Folly), Bibliothécaire des services autochtones du Nouveau-Brunswick et membre de la Comité des affaires autochtones de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques
• Joanne Schwartz, auteure primée et bibliothécaire jeunesse à la Bibliothèque publique de Toronto
• Allison Taylor-McBryde, Professeure ajointe à l’Université de la Colombie-Britannique et bibliothécaire jeunesse à la Bibliothèque publique du District de North Vancouver
Le Comité de sélection a commencé son travail en décembre 2017. Lors des 10 prochains mois, le Comité a entamé un processus collaboratif incluant plusieurs appels conférenciers. Le processus tirait parti de leurs expériences personnels avec les albums autochtones et de leurs objectifs partagés visant l’authenticité, la diversité, et la représentation et l’usage des langues autochtones, mettant au point un objectif final de promouvoir la lecture et le partage de livres écrits par des auteurs autochtones parmi des enfants et des jeunes autochtones et non-autochtones ainsi que leurs familles, des bibliothécaires et des éducateurs.
Chaque membre du Comité de sélection a apporté au processus leurs propres listes, totalisant des centaines de livres. Elles ont ensuite parlé, partagé, lu, relu, et appris, trouvant de nouvelles découvertes et de nouveaux perspectifs en cours de route.
La collection finale comprend 81 artistes autochtones, 31 maisons d’édition, et 15 langues. Le livre le plus vieux dans la collection a été publié en 1984 – I Can’t Have Bannock But the Beaver Has a Dam de Bernelda Wheeler (HighWater Press) – et les plus récents datent de 2017.
D’un océan à l’autre à l’autre : célébrer les albums autochtones pourrait servir comme point de départ pour certains lecteurs, et une source d’inspiration pour d’autres. Comme dit Allison Taylor-McBride, membre du Comité de sélection, « La collection démontre la puissance des œuvres courants. J’espère que ça donne de l’encouragement aux gens d’élargir leurs listes – et leur lecture. Il existe une richesse d’œuvres disponibles à continuer à découvrir… »
Traduction : Todd Kyle
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L’artiste de la page couverture: Julie Flett
par Emma Sakamoto
Une fille autochtone est allongée sur le ventre dans l’herbe, en train de lire un livre. C’est le sujet de l’image que Julie Flett, illustratrice primée Cri-Métis, a créée pour la page couverture de la sélection D’un océan à l’autre à l’autre: célébrer les albums autochtones. À propos de cette oeuvre, Flett a déclaré: «Je pense à cette fille de la même manière que je le fais pour tous les membres de notre communauté qui lisent nos auteurs, se sentent connectés et représentés. Cela procure un sentiment de paix, un soulagement, un sentiment d’être chez soi. ”
Mary Beth Leatherdale, coprésidente du comité de sélection, a déclaré que l’une des raisons qui les a attirés vers l’art de Flett est qu’elle est consciente que son auditoire est composé de lecteurs autochtones et non autochtones et qu’elle désire «mettre au premier plan les modes de connaissance autochtones».
«Nous pouvons voir que des changements se produisent», dit Flett, «lorsque nous pouvons apprécier la langue, l’histoire et l’art des uns et des autres».
Cette idée est particulièrement pertinente pour la collection d’albums autochtones, car le comité espère que cela «favorisera le rapprochement entre les cultures pour les jeunes enfants et les jeunes, leurs familles, les bibliothécaires et les éducateurs».
Andrew Wooldridge, éditeur d’Orca Books, affirme que Flett est l’une des illustratrices en littérature jeunesse canadienne qui réussit le mieux à créer ce rapprochement. Il décrit Little You, écrit par Richard Van Camp, et My Heart Fills with Happiness, écrit par Monique Gray Smith, comme «des livres autochtones, mais ayant un attrait beaucoup plus large». Little You, dit Wooldridge, «est un livre sur la réconciliation sans jamais le mentionner.» Ce joyeux livre tout carton nous montre la réconciliation sous un angle positif. Wooldridge se souvient que Van Camp et Smith avaient tous deux demandé à travailler spécifiquement avec Flett.
Annalee Greenberg, directrice de la rédaction de High Water Press, se souvient d’une expérience similaire lors de discussions au sujet d’illustrateurs possibles pour Quand on était seuls, écrit par David A. Robertson. Lorsque Greenberg a rencontré Robertson pour la première fois, ainsi que l’éditrice Catherine Gerbasi, Flett a été le choix numéro un à l’unanimité.
Dans cet album, gagnant du Prix du Gouverneur général dans la catégorie livres illustrés, une grand-mère raconte à sa petite-fille son enfance dans un pensionnat. «Le livre innovait en ce sens qu’il abordait un sujet très controversé pour les jeunes lecteurs”, explique Greenberg. Dans leur processus de création, Flett et Robertson communiquaient via Skype. «Parler de cette histoire très difficile d’une manière compréhensible pour les jeunes enfants était un défi. Il était donc important que David et Julie partagent leur vision pour que cela fonctionne. Ce processus collaboratif a duré pendant toute la création de l’oeuvre – du manuscrit au résultat final – avec Julie, David et moi-même. Et Julie vient de le recevoir.»
Leatherdale déclare à propos de la page couverture de la sélection D’un océan à l’autre à l’autre : «Comme tout le travail de Julie, elle est sans prétention – pas de titre ni d’importance personnelle. Ses œuvres célèbrent magnifiquement, doucement et de manière mémorable, ce qui est au cœur de ce projet: les lecteurs. Quel cadeau merveilleux! Je ne peux pas imaginer une meilleure façon de rendre hommage aux auteurs, illustrateurs et traducteurs autochtones dont les travaux figurent dans la collection.»
Traduction: Danièle Courchesne
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Inspirants: les livres de Nicola I. Campbell (Nłeʔkepmx, Syílx et Métis)
Pour Nicola I. Campbell (Nłeʔkepmx, Syílx et Métis), les albums pour enfants permettent ‘’d’enseigner et de raconter la vérité avec une force qui honore la culture, la famille, la terre et la langue. Dans les livres pour enfants des premières nations, nous avons la chance de voir des personnages vraiment inspirants.’’
Enfant, Nicola lisait beaucoup et voulait devenir écrivaine même si elle éprouvait certaines difficultés dans les cours de littérature anglaise. Alors que Nicola a à peine neuf ans, elle est particulièrement inspirée par les livres d’auteurs issus des Premières Nations, en particulier par les magnifiques albums de sa tante Maria Campbell, Little Badger and the Fire Spirit (Petit blaireau et l’esprit de feu). À ce moment, Nicola aurait dit à ses collègues de classe qu’un jour, elle deviendrait auteur.
Elle l’est devenu.
Nicola I. Campbell a publié quatre livres qui se retrouvent dans D’un océan à l’autre à l’autre: Shi-shi-etko, illustré par Kim LaFave; Shin-chi’s Canoe (La pirogue de Shin-chi), illustré par Kim LaFave; Grandpa’s Girls (les filles de Grand-papa), illustré par Kim LaFave, 2011; and A Day with Yayah (Un jour avec Yahyah), illustré par Julie Flett.
Shi-shi-etko (Éditions des Plaines, 2010)
La pirogue de Shin-chi (Éditions des Plaines, 2010)
Selon le comité de sélection, Shi-shi-etko et La pirogue de Shin-chi sont deux livres qui expriment de douce façon les traumatismes des écoles résidentielles et la beauté du monde que les enfants ont dû laisser derrière eux.
Nicola décrit comment Shi-shi-etko est né lors d’un cours d’écriture créative pour enfants à l’université de la Colombie-Britannique, et comment ses premières années d’études post-secondaires en ont influencées l’écriture. Loin de son foyer et de sa communauté, elle a pu expérimenter le choc des cultures alors qu’elle commençait ses études universitaires sur le campus.
Au même moment, elle prenait conscience de l’histoire des politiques canadiennes sur les écoles résidentielles du Canada, leurs structures et leurs portées. Elle a pu ainsi mieux comprendre l’impact de cette situation sur sa famille et sa communauté.
“ J’ai grandi avec des histoires de familles au sujet des écoles résidentielles pour amérindiens puisque deux générations de ma famille ont été forcé d’y vivre. Je n’ai appris ou compris l’impact profond de ces politiques que lorsque j’ai débuté mes études post-secondaires, quand j’ai pris des cours à NVIT et à UBC. Il a été déchirant de lire des citations telles que ‘’tuer l’indien à travers l’enfant’’ écrites dans les politiques canadiennes, et de réaliser tout l’impact que ces politiques de génocides ont eu partout au Canada, particulièrement lorsque l’on sait que chacune de ces écoles avait un cimetière dédié à ses étudiants indigènes.
Je me souviens en train d’imaginer ce que nos ainés, et tous ceux qui avaient été laissés derrière, ont pu ressentir lorsque tous les enfants avaient été ramassés. Combien ils ont dû se sentir apeurés et sans pouvoir. Deux générations d’enfants ont été enlevés dans ma propre famille. J’ai pleuré tout au long de l’écriture de La pirogue de Shin-chi. Je suis vraiment reconnaissante de la sensibilité qu’a eu Kim LaFave en préparant les illustrations de ces albums, tout au long du processus, allant jusqu’à présenter notre ébauche à un congrès pour les survivants des écoles résidentielles à Vancouver en Colombie-Britannique.
En tant qu’enfants dans les écoles résidentielles pour amérindiens, nos ainés ont réussi à continuer à se développer dans un environnement incroyablement dur, sans amour. Malgré la violence, l’abus, le froid et le chagrin qu’ils ont vécu, ils ont persévéré.’’ C’est cette force qui est reflétée à la fois dans Shi-shi-etko et dans La pirogue de Shin-chi.
Nicola nous décrit les quelques éléments qui ont pu ancrer Shi-shi-etko:
“Je savais que les noms des personnages devaient être amérindiens et qu’ils honoreraient son indigenéité. Ce fut un long processus que de nommer Shi-shi-etko, celle qui adore jouer dans l’eau. J’ai rêvé de ce nom, j’ai téléphoné à ma grand-mère et j’ai visité les ainés de ma communauté. Ce processus d’honorer nos protocoles a été suivi jusqu’à la version finale. Pour moi, il était important d’avoir l’approbation de mes ainés tout au long de ce projet.
Ensuite, il était aussi important que les noms changent à l’arrivée à l’école résidentielle. Les noms bibliques David, Marie et Jean ont été portés par mon grand-père et deux de ces onze frères et sœurs. “
Je savais aussi qu’il y aurait un décompte avant le premier jour d’école parce que mes ainés avaient partagés ce souvenir, et que je l’avais aussi fait comme enfant.
Shi-shi-etko…“Un, deux, trois, quatre matins avant d’aller à l’école, “ dit Shi-shi-etko…Ce temps laissé pour qu’on puisse se rappeler tout ce qui donne de la force avant de partir de la maison.
Grandpa’s Girls (Les filles de Grand-papa)
Les enfants demandent à Nicola une suite à Shi-shi-etko et à La pirogue de Shin-shi. Ils se demandent ce qui est arrivé par la suite. Pour Nicola, la suite se trouve en lisant ses livres subséquents, Les filles de Grand-père et Un jour avec Yayah parce que ces Shi-shi-etko et Shin-chi ont grandi et sont devenus nos grand-parents.
Les filles de Grand-père et Un jour avec Yayah, sont écrits comme de la fiction mais sont inspirés des souvenirs de l’enfance de Nicola qui a grandi entourées de ses ainés.
Dans Les filles de Grand-père, dit Nicola, j’ai voulu miser sur un conte contemporain qui démontre le développement de l’autonomie et de la responsabilité chez les enfants par le jeu, le plaisir et le temps passé dans une famille aimante.
Les filles de grand-père est l’histoire d’enfants qui visitent leur cher grand-père. Dans ce récit, nous voyons la vie de grand-père en tant que vétéran, cowboy, éleveur et homme d’affaire en plus de comprendre les profondes racines qui l’ unit à sa famille grâce aux photos sur les murs et les tantes dans la cuisine.
Les filles de Grand-père nous présente aussi Nłeʔkepmxcín, la langue des Nłeʔkepmx (Salish de Thompson River): “nos grandes tantes et nos grands oncles appellent les enfants schmém’?t”.
L’importance de la langue et de la culture est explorée encore plus dans le livre suivant de Nicola’s Un jour avec Yayah.
A Day with Yayah (Un jour avec Yayah)
C’est vraiment qwámqwəmt, un beau jour: Un jour avec Yayah.
Même si les enfants n’apprécient pas manger les champignons, ils aiment passer du temps avec Yayah, leur grand-mère. Dans ce conte, les enfants apprennent de leur grand-mère les vertus des aliments sauvages, des plantes médicinales ainsi que les traditions reliées aux récoltes. Au cours de la journée, leur Yayah leur enseigne aussi leur culture à travers les mots de leur langue.
Ce conte est inspiré du temps que Nicola a passé avec sa tante qui n’est pas allée à l’école résidentielle et qui a conservé l’aisance de sa langue maternelle le Nłeʔkepmxcín, la langue Salish de Thomson River.
Nicola se rappelle d’une enfance remplie de temps passé sur la terre avec ses tantes et les ainés, alors qu’ils récoltaient les aliments traditionnels. L’histoire montre comment ils apprenaient en étant simplement dans ce type d’environnement. ‘’Nous passions notre temps à regarder ce que les adultes faisaient, à essayer de comprendre ce qu’ils disaient, et nous avions toujours plein de questions. Lorsqu’on nous parlait dans notre langue, nous savions que c’était fait avec amour. ‘’
Nicola I. Campbell travaille présentement sur un PhD en Littérature Indigène et Narration à l’ UBC en Okanagan.
Traduction : Hélène Duguay
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Famille, langue et conte: Powwow: Counting in Cree et Nimoshom and His Bus par Penny M. Thomas (Cree-Ojibway)
En parlant avec Penny M. Thomas à propos de la création de ses deux livres dans la collection : Powwow: Counting in Cree and Nimoshom and His Bus – nous apprenons beaucoup à propos de la famille. Nous apprenons sur l’amour de la famille, sur la langue et sur la communauté ainsi que comment ces albums illustrés combinent tous ces éléments.
Powwow Counting in Cree (HighWater Press, 2013)
Penny raconte comment Powwow: Counting in Cree n’a pas été écrit avec l’objectif de devenir un livre publié. Elle l’a plutôt écrit pour ses enfants et son neveu alors qu’elle essayait de leur apprendre à compter en cri.
Penny a appris le cri en parlant avec sa grand-mère alors qu’elle était une enfant, c’était ‘’leur moment à toutes les deux’’. Penny a continué à apprendre le cri à l’école mais s’est rendue compte que ses habiletés faiblissaient sans pratique constante et sans avoir quelqu’un avec qui parler.
Pour Penny, la préservation de la culture est une clé essentielle à la culture : ‘’Les mots contiennent et transmettent tellement de sens. Il y a des mots en cri qui ne se traduisent pas en anglais: des expressions, des remèdes et des façons de décrire les choses. Il y a tellement de choses qui ne peuvent pas être exprimées sauf en cri.’’
Selon l’auteure, le cadre de Powwow: Counting in Cree donne aux enfants l’occasion d’apprendre les nombres de peyak (un) à mitataht (dix) et de développer une appréciation pour la culture et les rituels du powwow. Chaque scène du livre permet d’explorer les personnes et les éléments du powwow tels que des amis, des enseignements et des bénédictions.
Une scène favorite tirée du livre de Penny est “Enawew, that means eight. Eight men drumming so great.” ‘’Enawew, cela veut dire huit. Huit hommes qui jouent si bien du tambour. ‘’
‘’ C’est une scène très forte.’’ (Regardez les expressions des visages des hommes qui sont tellement bien illustrées.)
Nimoshom and His Bus (HighWater Press, 2017)
Suite au succès de Powwow: Counting in Cree; Highwater Press, l’éditeur de Penny M. Thomas, lui a demandé d’écrire un autre livre pour la jeunesse. Elle voulait écrire une histoire qui permettrait l’enseignement des mots courants. Son mari lui a fait une suggestion.
Nimoshom and His Bus a été inspiré par son grand-père bien- aimé qui conduisait un autobus scolaire. Le livre commence avec cette présentation :
‘’Nimoshom conduisait un autobus scolaire. Parfois il parlait cri. Nimoshom veut dire grand-père en cri. ‘’
Le trajet vers l’école devient un moyen pour que les enfants apprennent treize mots et expressions parmi lesquels : tansi (bonjour), machi kisikaw (c’est une bonne journée), api (assieds-toi), and ekosi (d’accord, c’est assez. Amen), qu’il disait au lieu de aurevoir.
Nimoshom and His Bus montre aux enfants l’amour que ressent leur chauffeur d’autobus et réciproquement.
Le catalogue de D’un océan à l’autre à l’autre fait référence à Nimoshom and His Bus comme ‘’….l’album illustré idéal ‘’ et ‘’ une représentation joyeuse d’une communauté autochtone.’’
Cette joie est contagieuse et le livre est bien accueilli par les enfants. Penny raconte qu’elle a lu Nimoshom and His Bus à un groupe d’enfants provenant d’une communauté très diverse à Winnipeg. Les enfants ont apprécié écouter l’histoire et ils ont substitué les mots en cri dans l’histoire par des langues parlées par leurs propres grands-pères dont le punjabi, l’ukrainien et le français. ‘’C’était une très bonne expérience pour les enfants d’échanger ces mots et de partager l’amour de la famille.’’
La page double favorite de Penny est la dernière du livre – Nimoshom était un homme bon. Ekosi. ‘’L’illustration lui ressemble. C’est très ressemblant.’’
Penny M. Thomas habite dans sa communauté de la Première Nation Peguis au Manitoba avec son mari et leurs cinq enfants- elle travaille en psychologie et en thérapie familiale. Dans le cadre de son travail, Penny utilise le conte et l’approche appelée la thérapie narrative, une méthode qui permet à quelqu’un de modeler sa propre histoire dans une façon positive afin d’aller vers la guérison.
Penny travaille ce moment sur un roman qui va amener le lecteur sur le chemin de la guérison et qui va mettre en vedette Wisakedjak (Whiskeyjack), un héros du folklore cri ; un héros dont elle aurait souhaité entendre les histoires plus souvent lorsqu’elle grandissait.
Penny a également plusieurs autres idées en développement pour des livres d’enfants : ‘’ J’ai tendance à attendre avant d’écrire. Quand je sens que l’histoire est prête et que les idées ont fini de mûrir, je dis à mon mari que je vais me mettre à écrire et je lui dis : Occupe- toi des enfants.’’
Traduction : Josiane Polidori
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Le Positif chez chaque personne : What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) par Aviaq Johnston (Inuk)
Dans la première scène de What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?), l’auteur Aviaq Johnston amène le lecteur dans une petite ville où l’hiver est toujours plus long que l’été, un endroit où Nalvana, la jeune fille de l‘histoire, aimait tout…’’
Pour Aviaq, il était important de présenter un Nunavut contemporain dans son premier livre pour enfant What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) et de partager l’expérience qu’elle a vécu, où les enfants ont la liberté et l’environnement pour jouer dans l’imaginaire en toute sécurité.
‘’Si vous allez dans les petites villes du Nunavut, vous verrez qu’il y a toujours plein d’enfants qui jouent dehors. Les adultes sont toujours présents dans la vie des enfants mais plus en arrière-plan. Comme enfants, on jouait dehors tout le temps… même pendant les périodes de l’année où la nuit dure 24 heures. Il était vraiment important de montrer dans What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) toute la joie et la liberté de grandir dans ces petites communautés’’ dit Aviaq.
What’s My Superpower? (Quel est mon super pouvoir?) a aussi été une chance de parler de certains stéréotypes. Les gens ont des images historiques de la vie dans le Nord qui n’étaient déjà plus adéquates il y a plusieurs générations, nous dit Aviaq.
Après le succès de son livre pour jeunes adultes Those Who Run in the Sky (Ceux qui dirigent le ciel), l’éditeur de Aviaq, Inhabit Media, l’a encouragé à écrire un livre pour enfants. Aviaq a relevé le défi d’écrire dans ce nouveau genre avec incertitude mais l’inspiration est rapidement venue de deux endroits.
La première inspiration fut une vidéo affichée par un ami, qui présentait sa fille portant un chapeau de cowboy et s’envolant avec une cape en disant ‘’ Je suis une super héros mais je ne sais pas quel est mon super pouvoir ! Le second vient de l’enfance d’Aviaq : J’avais l’impression de ne pas être particulièrement douée en quoi que ce soit. Je n’étais pas bonne en sports, et même si j’étais bonne à l’école, plusieurs autres enfants sont bons à l’école. J’ai donc pensé qu’un enfant pourrait être ordinaire et bon et pourrait vouloir rendre les gens heureux. Ce serait un super pouvoir pour un enfant.’’
Pour Aviaq, la réponse à ce livre a été géniale. Lors des lectures dans les écoles et au refuge Qimavvik à Iqualit, elle a trouvé des auditoires d’enfants vraiment fascinés par l’histoire, et enclins à partager leurs propre super pouvoirs, que ce soit de s’envoler, dessiner, embrasser, apprendre…ou lire.
Aviaq Johnston partage son temps entre Iqaluit et Ottawa où elle est tuteur et travaille au support des étudiants au Nunavut Sivuniksavut. Aviaq a écrit un nouveau roman pour jeunes adultes Those Who Dwell Below (Ceux qui habitent en bas) prévu pour 2019. Et pour les fans de What’s My Superpower?, peut-être écrira-t-elle un nouvel album pour enfants.
Traduction : Hélène Duguay
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Infolettre d’IBBY Canada
Éditrice de l’infolettre : Patti McIntosh
Formatage : Trish Osuch
Conception de la bannière : Martha Newbigging